UN ENIGMATIQUE AMERICAIN
Le premier des nouveaux arrivants est Helmut Gaensel, 71 ans, originaire des Sudètes, une région à la population majoritairement allemande dans l'ouest de la Tchécoslovaquie d'avant-guerre. Après sa défection au milieu des années soixante, il est devenu citoyen américain et a lancé une compagnie minière basée à Miami pour la prospection de l'or au Nicaragua et en Bolivie.
Selon Gaensel, en 1962 à la suite d'un bref passage en prison, il est approché par les services de renseignement Tchèque (CIS) qui lui proposent une mission pénible mais lucrative. Se faisant passer pour un espion de l'Allemagne de l'Ouest capturé, il doit passer une longue période de temps à Valdice, l'une des prisons les plus dures du pays. Son objectif est de faire connaissance et si possible de devenir l'ami à qui se confiera l'ex-officier SS Emil Klein qui purge dans cette prison sa peine pour crimes de guerre.
Le jeune homme ambigu et ambitieux qu'était Gaensel à l'époque est la dernière chance du CIS pour réussir là où un appareil policier pourtant retors avait échoué et de parvenir à manipuler Klein pour lui faire dire ce qu'il sait sur le secret de Stechovice. Quand Gaensel accepte et que le nom de code "Opéra" est attribué à l'opération, le CIS lui fait suivre deux semaines d'entraînement avant de le conduire à la prison de Valdice.
Gaensel tient ses supérieurs informés à l'occasion de brefs transferts de nuit à Prague, les mois passent mais sa mission ne progresse pas.Bien que Klein semble s'ouvrir à son compatriote anti-communiste, un an passe sans résultat. Gaensel finit par avouer sa vraie identité à Klein qui commence à avoir des doutes sur son compagnon de cellule. Klein fait alors volte face et promet de collaborer contre sa remise en liberté immédiate. À cette époque les Tchèques ont déjà libéré d'autres prisonniers de guerre Allemands et s'en servent comme monnaie d'échange avec l'Allemagne de l'Ouest et Klein était de toute façon déjà considéré comme libérable.
Le CIS envoie Gaensel à Düsseldorf pour rencontrer l'un des contacts de Klein, le Major Von Dresler, le trésorier de l'organisation "Odessa" la filière des anciens Nazis. Sur son initiative et sans autorisation, il reçoit 150 000 DM afin de garantir la liberté de Klein. Ainsi à Noël de l'année 1964, dix-sept ans après son arrestation, Emil Klein sort de prison en homme libre.
Gaensel va voir Klein dans sa nouvelle résidence de Nuremberg au moins trois fois entre 1964-67. Un semblant d'amitié semble alors lier les anciens adversaires. Cela est documenté par les nombreuses lettres chaleureuses qu'ils s'adressent. Le gouvernement de la RDA ayant refusé l'offre de Klein de partir à la recherche du trésor caché, l'ex-officier ayant perdu tout espoir aurait semble-t-il révélé son secret à Gaensel. Jaroslav Klima le chef de cabinet au Ministère de l'intérieur est chargé du dossier Klein. C'est l'un des hommes les plus puissant de la Tchécoslovaquie des années soixantes. Dans une interview récente, il dit considérer l'histoire de Gaensel comme plausible.
William Gaensel disparaît en Amérique du Sud pour une longue période, Emil Klein meurt en 1972.
Gaensel revient briêvement à Prague pendant le "Printemps de Prague" de Dubcek en 1968. Il négocie et obtient en juillet l'accord du gouvernement Tchèque pour commencer l'expédition de Stechovice en septembre. Un mois plus tard, en août 1968, les tanks soviétiques pénètrent dans Prague. Gaensel quitte définitivement sa patrie.
En 1991, plus de trente ans après avoir obtenu de Klein des informations exclusives, qu'un Gaensel fanfaronnant refait son apparition à Stechovice sûr de pouvoir enfin mettre la main sur le trésor. Il amène avec lui une équipe comprenant des extralucides, des chasseurs de trésors professionnels, des géologues, des experts en explosifs et ses investisseurs Hollandais.
Durant les trois premières années de son séjour à Stechovice il établit sa base à l'hôtel "Mandate" et mène une vie de luxe contrastant avec la vie paisible d'un bourg de campagnes. Pour effectuer ses recherches il loue à grands frais une quinzaine d'hectares de terrain à six endroits différents. Certains emplacements sont supposés être simplement des leurres pour tromper les curieux.
Gaensel se plaint amèrement que les habitants de la région l'exploitent à cause de son statut de riche américain. Il accuse la municipalité locale de retarder ses recherches en bloquant l'obtention du permis de construire qui lui permettrait de commencer les excavations. Il est convaincu que les notables du village cherchent un moyen de s'approprier ultérieurement ses découvertes potentielles.
Depuis 1994, lorsque que finalement il reçoit le feu vert des autorités pour son opération, Gaensel annonce à plusieurs reprises par voix de presse que ses recherches sont sur le point d'aboutir.
De vastes emplacements de cette petite région de villégiature populaire Tchèque ont été transformés en camp militaire, avec des fils barbelés, des gardes armés et de chiens. Des matériels lourds de forage miniers ont été amenés sur les lieux. Alors que les opérations avancent, la population locale Tchèque est prise d'une fièvre de l'or irraisonnée. À l'occasion de la fête du Thanksgiving, Gaensel en "bon américain" donne des soirées fastueuses auxquelles sont conviées des personnalités du show business, de nombreux journalistes et quelques compétiteurs envieux.
En 1995, quatre ans après son retour dans ce qui est devenu la République Tchèque et deux ans après le commencement de ses excavations, Gaensel est obligé d'admettre que ses prévisions initiales étaient trop "optimistes" et que son aventure risque de prolonger beaucoup plus longtemps. Entre-temps ses investisseurs Hollandais qui étaient venus puis repartis ont rapidement été remplacés par d'autres. L'un d'eux, William "Big Bill" Turner, et un autre, Graham Smith, se présentant comme un banquier d'investissement, ont prit le relais et injecté de nouveaux capitaux dont l'apport est devenu indispensable. À la fin de l'année, les dépenses de l'opération atteignent un montant total de quelque 1.8 million de dollars.
À ce stade, le gouvernement Tchèque fatigué par le flot incessant des requêtes de Gaensel et des nombreuses plaintes, d'activistes de mouvements pour la paix et de sauvegarde de l'environnement ainsi que des victimes de l'holocauste, finit par se débarrasser du dossier en en transférant commodément la responsabilité au niveau municipal. Des informations non vérifiées font état que des tonnes d'explosif armés protègent l'accès des sous-sols qu'il explore et Gaensel est obligé d'engager sous le contrôle du village deux spécialistes en pyrotechnique. De plus en plus souvent il est accosté et menacé de mort par des inconnus qui veulent qu'il abandonne les fouilles.
Au printemps 1996, alors que les ouvriers de la compagnie minière de Gaensel nettoient le fond d'un puit de 15 mêtres de profondeur nommé " Bingo", ils découvrent l'entrée d'un tunnel construit par les Allemands qui part en direction de la digue de Stechovice. Éparpillés sur le sol se trouvent des morceaux de câbles électriques, des détonateurs, une veste d'uniforme SS déchirée, de petites caisses en bois partiellement remplies d'explosifs. Ce n'est pas beaucoup pour justifier trois années de travail acharnées, mais suffisant pour que les "chiens de garde" municipaux arrêtent le chantier pendant plusieurs mois.
À l'automne, toujours en "attente", Gaensel me rend visite accompagné de deux hommes âgés qu'il présente à Jaroslav Sveceny comme des amis de ses "années boliviennes". Un certain M. Carlos Hermandez, avec un fort accent allemand, le questionne sur le coût potentiel de la production d'un long-métrage de fiction basé sur la vie de Gaensel et me demande d'évaluer ses honoraires pour l'écriture du scénario. Leur ayant simplement avoir suggéré qu'il serait peut-être plus sage d'attendre la conclusion de l'aventure, ils repartent pour ne jamais y revenir.
Gaensel passe une partie de l'hiver en Israël en vacances avec ses trois enfants. Il revint à Stechovice au printemps 1997 avec de nouveaux espoirs. Après qu'une émission de la télévision allemande a diffusé un sujet sur sa chasse au trésor en république Tchèque, trois personnes appellent pour dire qu'ils ont vécu a Stechovice à la fin de la guerre. Une téléspectatrice dit qu'elle avait vu les Allemands recouvrir des caisses de goudron près de la crique de Schlemin, non loin de l'un des terrains loués par Gaensel. L'équipe de Gaensel suit immédiatement cette piste et finit par mettre à jour un four que vraisemblablement les militaires utilisaient pour faire fondre des matériaux non solubles à l'eau. Gaensel supposa que les caisses étaient cachées à proximité et reporte l'ensemble de ses efforts de fouille plus près de la crique. De nouveau il est arrêté, cette fois pour des raisons écologiques. Le site de la digue est sur le terrain de prédilection d'une fleur rare appelée Dent de Chien. Gaensel et ses avocats plaident leur cause jusqu'en février 1998.
Le 4 avril 1998, l'attention du public se détourne soudain de Stechovice pour se diriger vers le village peu connu de St. Katherine situé dans la partie occidentale du pays. Peter Haustein, le Maire de Deutscheburg, une petite localité allemande de l'autre coté de la frontière, a présenté à la presse plusieurs documents datant de la guerre qui révèle la trace d'un voyage de mille cinq cent kilomètres pour acheminer à sa destination finale de St. Katherine le plus grand des trésors historiques russe, la Chambre d'Ambre de St.Petersbourg.
Helmut Gaensel ne perd pas de temps et conclu immédiatement un accord avec le village pour commencer une opération de sauvetage aussi vite que possible. Il partage son temps entre la supervision des travaux d'excavation de Stechovice et l'organisation d'une recherche géologique préliminaire à St. Katherine. Lorsqu'il se promène autour de l'un de ses divers sites de fouilles. Gaensel à maintenant plus l'air d'un homme d'affaire de Floride à la retraite que de l'ancien prisonnier et agent de la police secrète qu'il était. Dans sa poursuite effrénée du trésor, il a certainement été obligé de trahir aussi bien les contacts nazis de Klein que les Services de Renseignement Tchèque. Cela ne s'est pas fait sans qu'il ne se fasse de nombreux ennemis et des rumeurs circulent d'un contrat sur sa tête.
L'INDOMPTABLE JOSEPH MUSZIK
Joseph Muszïk, 55 ans, est un homme sec et nerveux aux cheveux argentés et il a longtemps été considéré comme un outsider de la course aux trésors de Stechovice. Habillé de treillis militaire américain agrémenté d'une bonne dose de bijouterie en or il apparaît de temps à autre sous la rubrique people de la presse populaire. Durant toutes les péripéties de l'affaire, il ne cesse d'affirmer que seul lui, un Tchèque, parviendra à découvrir le trésor.
Au début des années 90, alors qu'il se limite à passer les collines de Stechovice au détecteur de métal, Muszïk explore méthodiquement 240 kilomètres carrés pour essayer de réduire son champ de recherche. Pour commencer il réussit à retrouver une formidable collection d'uniformes allemands, de médailles et d'autres objets datant de la guerre et établit les plans de plusieurs zones qu'il compte explorer.
Malgré de maigres finances et dépendant uniquement d'informations venant des vieux résidents de la région, Muszïk parvient à rassembler une équipe de volontaires dévoués et déploie ses talents de débrouillard pour obtenir les documents confidentiels que le Ministère de l'Intérieur a rassemblé pendant ses recherches officielles des années 7O et 80. Il ne dément pas les rumeurs persistantes d'avoir à un moment travaillé pour le CIS. Il utilise son énergie inépuisable pour voyager dans tout le pays et interroger les survivants du camp de concentration de Stechovice. Sur les informations d'un habitant de la région qui a été le témoin d'une exécution, il met à jour la fosse commune de 40 prisonniers de guerre fusillés après avoir construit un tunnel dans les environs.
Quand la municipalité de Stechovice lui délivre enfin un permis de construire pour qu'il puisse commencer des excavations en 1994, Muszïk et son groupe de volontaires ne voulant pas être pris de court se cotisent pour co-louer au moins quelque un de nombreux emplacements les plus prometteurs.Un an plus tard les finances de Muszïk sont à sec et son camp de Stechovice est briêvement déserté. Il revint cependant quatre mois plus tard, cette fois avec des fonds suffisants investis par un millionnaire Tchèque. À l'heure actuelle, il négocie toujours ses permis d'excavation avec la municipalité de Stechovice.
Jusqu'à présent et en dépit des allures paramilitaire des équipes en présence et malgré la haine intense dont paraît-il se voue Gaensel et Muszïk, chacun d'eux reste civil avec l'autre. "Il ne faut pas sous-estimer Muszïk" dit Gaensel, "Muszïk est déterminé et très intelligent. Il possède de nombreux documents utiles". Chacune des équipes a maintenant soigneusement délimité et protégé son territoire. Aucun empiétement de territoire ni d'interférence mutuelle n'a été rapporté ni de Gaensel ni de Muszïk. En plus de la pression due à une compétition acharnée les deux équipes doivent faire face à la date butoir de la saison d'été. Grèce à son lac Stechovice et ses environs sont une destination de vacance très prisée et les excavations doivent s'arrêter en Juin au début des vacances scolaires et ne peuvent reprendre qu'à l'automne.
Muszïk et Gaensel ne font peut-être qu'imaginer la nature de leurs trouvailles potentielles sans se rendre compte du niveau des enjeux d'un jeu dans lequel de façon consciente ou inconsciente ils se sont empêtrés.
UN RÊVE DE PRODUCTEUR
De retour à Prague, près d'un an après l'expédition des cercueils de Zakupy de 1990, Jaroslav Sveceny rend visite à Madame Bajerlova, l'historienne de l'art du Ministère de la Culture venue le rejoindre à la hâte sur le site au moment de la découverte du catafalque de l'Archi Duchesse italienne Maria Francesca de Toscane. Elle avait à l'époque fait un rapport détaillé de la trouvaille et l'avait fait signer à Sveceny et ses acolytes contre un reçu qui pourrait éventuellement les exonérer de toute responsabilité et qu'ils ne puissent être accusé de détourner les pierres précieuses ou semi-précieuses répandues sur le sol de la crypte. Une clause spéciale de ce rapport stipule que les inventeurs du trésor ont droit à une commission de 10% sur sa valeur en plus des frais de leur expédition. Sveceny est cependant encore plus curieux de savoir ce que sont devenus les cercueils, que nous avions laissés dans la crypte inondée. Madame Bajerlova explique à Sveceny que des changements intervenus au plus haut niveau du Ministère de la Culture et d'un geste las lui montre le rapport sur l'état de l'économie Tchèque posé sur son bureau. Il n'y a pas assez d'argent dans le budget Tchèque même pour la préservation de ses Antiquités historiques les plus et encore moins pour payer les prime cependant garanties par la loi à tout inventeur d'un trésor.
Deux ans plus tard Sveceny reprend contact avec ses collaborateurs et agents secrets. Ils décident de joindre leurs maigres ressources pour reprendre les fouilles au moins sur la base d'un recherche limitée. C'est peut après peu près à la même époque que la chasse au trésor de Stechovice allait commencer.
Durant les huit années suivantes, pour autant que son emploi du temps le permette, Sveceny maintenant définitivement installé à Prague, va creuser des trous, construire des puits, manipuler des détonateurs de mines, faire exploser du Semtex, plonger dans les eaux boueuse d'un lac allemand et beaucoup appris beaucoup sur les mines antipersonnel‚ Tout au long de cette aventure, il rencontre bon nombre de gens, des voyants extralucides aux ministres du gouvernement, des chasseurs de trésors aux agents du contre espionnage, des vieux communistes convaincus aux sorciers africains. Il a la chance qu'une vogue soudaine du tourisme international amène en République Tchèque des milliers de jeunes gens, anciens expatriés comme lui et qui reviennent au pays. Ils ont une bonne dose d'enthousiasme et un goût pour l'aventure. Ils n'hésitent jamais à se porter volontaire et prendre pelle ou pioche pour se joindre à Sveceny dans mes recherches de week-end. Malheureusement, il seront obligés à plusieurs reprises d'abandonner des pistes prometteuses et de quitter un site d'exploration en raison du mauvais temps, de manque de matériel sophistiqué ou tout simplement d'argent. Malgré tous ces obstacles, ils réussissent à mettre en évidence que Stechovice n'est que l'une parmi plusieurs des régions de la République Tchèque dans lesquelles est toujours enfoui ce que les services de renseignements d'au moins cinq pays recherchent depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.
La collaboration de Jaroslav Sveceny avec les deux anciens agents du renseignement Tchèque, Monsieur M.C et Monsieur Z.H, a continué d'être un élément clé de ses découvertes. Leur expérience, leurs connaissances professionnelles lui permettent non seulement de trouver et d'identifier plusieurs sites d'exploration mais aussi d'éviter de prendre des risques en engageant des travaux d'excavation inutiles. Sveceny reçoit l'assistance occasionnelle d'une société d'études géologique Canadienne "Zebra". Leurs équipements en radars et sonars haut de gamme apportent une aide précieuse, notamment pour situer en moins de 24 heures le passage allant au vaste labyrinthe souterrain sous l'église de Zakupy. Sveceny aura en outre un accès direct aux rapports de la police Tchèque sur les recherches qu'elle avait entreprises à l'époque communiste et rassemble tous les films d'archives que des explorateurs Russes et Suédois ont tournés sur le sujet du trésor Nazi. Une découverte importante est attendue en automne 2002. Sveceny et son équipe s'apprêtent à marcher sur les traces de l'expédition du commando des forces armées franco-américaine qui en 1946 avait trouvé les 32 coffres de documents Allemands enfouis dans un bunker près de Stechovice. D'après les rapports de l'USFET, plus de 300 de ces coffres sont toujours cachés dans les environs.